Un documentaire réalisé par Christian Abi Abboud
‘Je me considère un être libre de toute appartenance ou religion. Je pense que le monde est beaucoup trop vaste pour n’être fier que d’une identité ou se battre pour une cause.’
Elle commence son histoire et l’achève par une affirmation interrogatoire: ‘Puis-je me présenter uniquement par mon nom?’ Elle, c’est Darine. 34 ans, de nationalité Syrienne, ayant vécu à Dubai, puis cherché asile en Suède, pour enfin -peut-être- retourner au Moyen Orient et déambuler sur les plages de Beyrouth à cause d’un coup de coeur. Entre amour et stabilité, tout son être balance… mais elle n’a jamais peur de basculer. Intrépide, dotée d’un brin de folie -mais qui vit sans folie n’est pas aussi sage qu’il le croit!-, sensible jusqu’au bout de l’âme ou des doigts qui ramassent les galets sur la plage, Darine est en perpétuelle quête d’elle-même, de l’amour, du désir, de la nature, des êtres. Pour elle, la stabilité est devenue un grand rêve et à chaque fois qu’elle espère s’en rapprocher, elle se perd parmi les lois et régulations des différents pays et de leurs frontières.
Cherchez l’enfance, dit-on. Que ce soit ce manque de reconnaissance pour ses talents de poète ou ce doûte d’y être parvenue toute seule, Darine a lentement appris à se défaire des noeuds d’hier et préfère le vide à la lourdeur de la possession. Quelques vers ou quelques notes, et le grand écran lui appartient. Où serait-elle dans cinq ans? Elle ne le sait pas. Elle qui renouvelle avec chaque renouvellement de passeport une ère de dépaysement, confie sa résidence d’âme à celui qu’elle aime, parle à travers son regard bienveillant, vit dans l’instant, dans l’acceptation ou la peur que tout a une fin -pourvu qu’il dure assez, le temps de goûter au bonheur-, ‘et moi, je suis avec toi.’
En conclusion, nous reste la poésie de Darine, sa façon d’être, son authenticité, ses sourcils qui se soulèvent inquiets, son regard interrogateur, et puis son sourire quand elle aperçoit la caméra, comme si elle s’était réconciliée avec son histoire, ses secrets, mais surtout, avec cet objectif qui la toise, ce regard de l’autre, cet autre qui oublie parfois de se positionner en interviewer, pour venir l’enlacer. Il nous reste aussi les plans de Christian Abi Abboud, décent dans le dénuement de l’être humain, la nudité chaleureuse de l’amour pur, le froid glacial sublimé d’une Suède calme, la mer seule et majestueuse d’un Liban chaotique mais vrai, le tunnel de l’aéroport de Beyrouth, le roulement des roues, le passage des trains, tout cela et ces petits gestes de tous les jours, comme couper le bois ou boire son café… comme un témoignage de vie.
Il nous reste son ‘en vie’ à elle, elle qui a peur que l’amour finisse, tout simplement comme cela, elle qu’il enlace, lui, au tout début, et l’élève malgré le plan en plongée, elle qui n’avait jamais été élevée de cette façon; ‘dans notre famille on n’a pas été habitués à nous enlacer. On s’aime en silence.’
Et il nous reste aussi la dédicace du réalisateur… et puis la citation qui résume l’être de Darine: ‘I walk light not to break my fragility and I walk heavy not to be swept away.’ -Mahmoud Darwish
