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‘Nos batailles’ de Guillaume Senez, film d’ouverture de la reprise de la Semaine de la Critique de Cannes à Beyrouth

Dans le cadre de la reprise de la 57ème Semaine de la Critique de Cannes à Beyrouth, au Metropolis Cinéma du 23 Juillet au 2 Août 2018, l’ouverture du festival a débuté avec la projection du film social ‘Nos Batailles,’ de Guillaume Senez, un film qui a largement ému les spectateurs.

Après Keeper en 2015, le réalisateur se lance sur de longues séquences basées sur des improvisations tellement brutes et authentiques qu’elles paraissent sculptées dans de la pierre -ou peintes sur les murs, à la manière de la finale du film, irréversiblement.

Une trame bien dessinée, un rythme méticuleusement égal sans être plat, une évolution psychologique de chacun des personnages aussi attachants qu’humains, dans toutes leurs faiblesses, au bord du gouffre, et pourtant sauvés à chaque fois par l’amour. L’amour à petites doses.

‘On ne dit jamais tout.’ ‘Nos batailles’… intérieures alors, surtout. Celles qui poussent chacun à partir, à revenir -ou jamais, à changer de cap, à se tourner vers autrui, à succomber à aux faiblesses d’une nuit ou d’un matin… Là encore, le réalisateur dit tout dans les non-dits de ses personnages; la mère de famille esquintée et silencieuse, la soeur actrice au théâtre, dévouée mais seule, la compagne de travail qui répond toujours par un ‘ça va’ enjoué, en quête d’un geste d’amour, le père à qui tout échappe mais qui ne s’en rend compte qu’après coup, sa mère qui finit par avouer s’être sacrifiée pour ses enfants, les deux enfants qui se maternent mutuellement et que la douleur a grandi bien avant l’âge. Et dans tous les tourbillons de tous les jours, la mise à nu de chacun, en toute faiblesse, sans prétention, aucune.

Des thèmes majeurs nous ramènent à l’essentiel de nos réalités:

L’importance d’une mère; son foulard, son odeur, les plats chauds, les histoire savant de dormir –à dormir debout tellement on y croit, les bobos, le dodo, la femme qui fait tout tellement discrètement qu’on ne le remarque que lorsqu’elle s’en va. Et puis, incontestablement, la maternité. Celle de la soeur, celle aussi mutuelle des enfants qui ne sont plus enfants, du jour au lendemain.

L’amour. Sous toutes ses formes. Dans les tâches de tous les jours, les coups d’un soir, les enlacements familiaux ou les petits gestes.

Les charlots des temps modernes. Le système contre vents et marées. La structure qui broie du vide et des bribes d’humains robotisés. ‘Je ne veux pas de ce pouvoir,’ affirme le personnage de Romain Duris, Olivier, le chef d’équipe dans un entrepôt de marchandises. Le pouvoir de position auquel il n’y croit pas… alors qu’à la maison, chef de famille, il perd tout contrôle lorsque sa femme, Laetitia Dosh incarnant le rôle de Laura, échappe au système. Pour contrecarrer le travail de la société, le travail de la soeur d’Olivier s’impose: le théâtre -ou tout travail d’artiste- ‘qui est important même quand on ne touche pas de l’argent.’

 

La playlist du film est basée sur des chansons que l’on fredonne au quotidien, ce qui le rend encore plus proche de nos réalités. Ainsi, sur ‘Paradis Blanc’ de Michel Berger que Guillaume Senez choisit de ne pas découper, toute une mise en scène a lieu en embrassades et jeux fraternels. L’espace est là aussi libre d’exister, comme le jeu des acteurs, basé sur une honnêteté émotionnelle rare. ‘Qu’on arrive plus à distinguer le blanc du noir que le silence pour respire, recommencer là où le monde a commencé.’

 

Un film qui met en avant l’espoir malgré le flou, le pardon sans questions, l’attente, la persévérance, la décision d’aller de l’avant… et puis malgré tout, la liberté du rythme et deux mots qui résument tout: ‘On t’attend.’

 

Marie-Christine Tayah

**La reprise de la 57ème Semaine de la Critique à Cannes se déroulera à Beyrouth à Metropolis Cinéma du 23 Juillet au 2 Août 2018. 10 longs métrages et 13 courts métrages seront au rendez-vous. Toutes les projections sont à 20h00.