‘Tout le monde était donc perfide, menteur et faux.’ -Guy de Maupassant.
Porté sur scène par Clémentine Célarié, “Une Vie,” le premier roman de Maupassant, est l’incarnation même du courant réaliste et naturaliste de l’auteur. Mise en scène par Arnaud Denis, au théâtre des Mathurins, Paris, l’actrice suit pas à pas, dans un tourbillon incessant au bord de la falaise, l’itinéraire sentimental et psychologique de l’héroïne de Guy de Maupassant: Jeanne.

Sur un fond de scène où la projection de la mer est omniprésente, l’actrice se tient inébranlable, debout, au sommet du précipice, et puis assise, à genoux, les mains ballantes ou refermées en berceau. Elle, femme parmi les femmes, fidèle parmi les infidèles, face aux trahisons de son mari et du rêve, la faiblesse de ses parents, le départ de son fils… et la vie qui lui joue des tours -de force-, les farces de tous les jours, la face qu’elle se doit de sauver… Elle, femme, comme toutes les femmes, seule, face à tout. ‘On pleure parfois les illusions avec autant de tristesse que les morts.’
D’illusions en désillusions, elle s’adonne à la passivité et à la fatalité du destin et va jusqu’à oublier les souvenirs que l’on se fait, jusqu’à la mort. Dans un monologue d’une heure trente minutes qui tient au seul souffle et aux émotions retenues de l’actrice, une vie, celle d’une femme entre mille donne l’impression d’être presque toujours en décalage avec le temps. D’ailleurs, Jeanne se base sur d’autres éléments qu’elle trouve beaux… parce que la vie est faite de petites merveilles: la lumière, l’espace et l’eau.

Le verdict final sonne pour conclure la pièce, comme un glas, timbré de réalisme. C’est d’ailleurs la dernière phrase du livre de Maupassant: ‘La vie, voyez-vous, ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit.’ Une mise en scène où est parfois inversé l’ordre des moments clés de la vie de Jeanne, un décor minimaliste qui met en relief le costume sobre mais volumineux de l’actrice, et le jeu. Le jeu naturel, et pourtant si maîtrisé, dans une sorte de vécu féminin qui coupe le souffle et suspend le vol du temps… comme si les spectateurs donnaient tout le temps qu’il fallait à la femme, l’ultime, celle qui les incarne toutes, pour se dévoiler, l’espace d’Une Vie. Comme dirait Maupassant, ‘la vie c’est une succession de jours et puis plus rien.’ Une femme, Clémentine Célarié, une succession de scènes, et puis plus rien.
Marie-Christine
